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Sortie à la maison éditoriale El Tiempo

Jeudi 2 juin,  la classe découvre en compagnie de Marialuisa Sanchez et Juana García les installations du journal El Tiempo.

Le journal le plus important de la Colombie, El Tiempo, a été acheté fin mars 2012 par l’homme le plus riche du pays, le millionnaire Luis Carlos Sarmiento. En rachetant les parts de marché détenues par le groupe espagnol Planeta (55 %), le groupe Sarmiento détient aujourd’hui 88 % des parts de la Casa Editorial El Tiempo. Historiquement, le journal a été proche du pouvoir, ayant appartenu entre 1911 et 2007 à la famille Santos, dont font partie le président actuel de la Colombie, Juan Manuel Santos, petit-fils du fondateur du journal,  ainsi que Francisco Santos, vice-président entre 2006 et 2010. Avec plus de 220 000 exemplaires vendus en moyenne par jour en semaine et plus de 400 000 le dimanche, sur l’ensemble du territoire, le journal centenaire reste la référence majeure sur l’actualité colombienne.

 

Le journal El Tiempo est fondé le 30 janvier 1911 à Bogota par le journaliste et intellectuel colombien Alfonso Villegas Restrepo. Deux ans et demi après, il est racheté par Eduardo Santos, qui marquera dorénavant la trajectoire du plus important journal de la Colombie. Si aujourd’hui El Tiempo se définit plutôt comme un journal généraliste, il est historiquement associé au Parti Libéral, un des deux partis traditionnels colombiens (l’autre étant le Parti Conservateur). Dès sa création, l’orientation idéologique et l’objectif du journal sont clairement affichés : il s’agit de défendre les idées du Parti, et de servir de tribune à ses principaux représentants, souvent engagés dans des luttes intenses avec leurs adversaires conservateurs. Les deux partis se disputent âprement le pouvoir pendant plusieurs décennies, donnant lieu à des épisodes de violence dans le pays, jusqu’à arriver finalement à un accord en 1957 dans ce qui est connu comme le Frente Nacional (à partir de 1957 et jusqu’en 1974), l’alliance réalisée par les deux partis leur assure une alternance au pouvoir. La parution du journal est ainsi quasiment ininterrompue depuis 1911, si l’on excepte trois épisodes isolés et associés à des moments de violence politique ou de censure : l’assassinat de Jorge Eliécer Gaitan en 1948, l’incendie des locaux des institutions libérales en 1952, puis la censure du dirigeant autoritaire Général Rojas Pinilla entre 1955 et 1957.

Eduardo Santos représente ainsi une des figures incontournables du Parti Libéral. Fervent éditorialiste, Santos consacre sa vie au journal, à partir duquel il construit sa solide carrière de politique, de journaliste et d’entrepreneur. Parmi les postes politiques qu’il a occupés, on compte celui de gouverneur du département de Santander, de Ministre des Affaires Etrangères et finalement celui de Président de la République entre 1938 et 1942. Pendant son mandat, il passe la main à German Arciniegas (essayiste, historien et politique colombien) pour la direction du journal. Mais une fois sa présidence achevée, il revient à El Tiempo en tant que « Directeur propriétaire », position qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1974 . Les actions  Plusieurs générations de Santos se sont succédé à la tête de El Tiempo jusqu’en 2007, année à partir de laquelle les membres de la famille commencent progressivement à se retirer du journal. Cette puissante famille a produit quatre présidents (José Joaquin Camacho en 1814, Climaco Calderon en 1882, Eduardo Santos et Juan Manuel Santos), un vice-président (Francisco Santos) et un symbole de la nation (Maria Antonia Santos, héroïne de l’indépendance, fusillée en 1819).

En 2010, lors de l’élection à la présidence de la République de Juan Manuel Santos Calderon, la famille Santos ne dispose plus que d’une participation minoritaire dans le journal et dans la Casa Editorial El Tiempo, Luis Fernando Santos se retirant de la présidence peu après l’annonce des résultats. Pour sa part, Francisco Santos arrête de travailler dans la direction du journal en 2007. En 2010, les Santos ne détiennent que peu d’actions d’El Tiempo, même si des liens existent encore entre la direction du journal et la famille : Juanita Santos, chargée du graphisme, est la femme de Roberto Pombo, directeur du journal depuis 2009. Son frère Rafael Santos est en charge de la responsabilité sociale d’El Tiempo. Ainsi, en 2011, au moins 14 membres de la famille Santos ont occupé des charges de direction dans le journal depuis sa création.

C’est également la famille Santos qui crée en 1957 la Casa Editorial El Tiempo (la Maison Editoriale El Tiempo), organisation qui gère le journal ainsi qu’un important groupe de médias. Parmi ceux-ci, on compte tout d’abord différents journaux, tels que Portafolio, principale publication d’économie et de finances en Colombie, ou encore ADN, premier journal gratuit du pays (inspiré d’un format existant en Espagne jusqu’en 2011). ADN est lancé en 2009 en ciblant les villes de Bogota, Cali, Medellin et Barranquilla. D’autres titres de journaux sont 7 Dias (presse régionale existant depuis plus de 17 ans, et diffusée dans plus de 176 municipalités) ou Mio (journal populaire à Bogota). En ce qui concerne les magazines, la Casa Editorial El Tiempo se spécialise dans la presse féminine (ABC del Bebé, Carrusel, Elenco, Alo), mais aussi, avec beaucoup de succès, dans la presse masculine : Motor (automobile), et surtout Don Juan, magazine de porno soft.

 El Tiempo commence à s’intéresser à la télévision dès 1999, date à laquelle est lancée la chaîne locale bogotaine CityTv, en s’inspirant de la chaîne canadienne éponyme. Après avoir été longtemps critiquée car source de pertes financières au début, CityTv rencontre aujourd’hui un certain succès en raison de son style innovant, notamment dans le cadre des journaux télévisés. Une grande partie de sa programmation est produite en direct. En 2010 est lancée une autre chaîne de télévision, payante cette fois,consacrée uniquement à l’information, Canal El Tiempo ET.

Par la suite, la maison éditoriale lance une série de sites Internet consacrés essentiellement à la recherche d’emploi  (elempleo.com, metatrabajo.com), aux études (guiaacademica.com), aux achats immobiliers (metrocuadrado.com) ou de voitures (carroya.com), ainsi que des portails de divertissement (vive.in, futbolred.com). Le groupe possède également des actions dans un centre commercial de Bogota (Atlantis), ainsi qu’une chaîne de cinémas (Cinemark Colombia, la plus importante du pays). La Casa Editorial El Tiempo se concentre donc essentiellement sur les métiers des médias et du divertissement, le journal El Tiempo demeurant sa marque phare.

En 2007, suite à l’entrée des grands groupes espagnols de médias en Colombie, et au désir des entrepreneurs colombiens de créer des alliances avec des entreprises étrangères, 55 % des actions de la Casa Editorial El Tiempo sont rachetées de manière inattendue par le groupe El Planeta . En effet, il avait été pendant longtemps question d’un rapprochement plutôt avec le groupe Prisa, principal actionnaire du prestigieux journal El Pais, et déjà propriétaire de Caracol Radio. El Planeta, référence en matière d’édition littéraire, mais ne disposant que de peu d’expérience dans le domaine de la presse, ne semble pas être un adversaire de taille face à Prisa. Mais les propriétaires de El Tiempo font monter les enchères, et c’est le groupe El Planeta qui finit par l’emporter, tout d’abord grâce à une offre financière plus alléchante : 338 millions de dollars, soit 28 millions de plus que celle du  groupe Prisa. D’autre part, l’offre d’El Planeta est plus intéressante pour les Colombiens en termes de direction d’entreprise : la création d’un conseil de Fondateurs est proposée pour assurer le journal. Ce conseil de Fondateurs, composé par neuf personnes, est découpée de la manière suivante : trois représentants de la famille Santos, trois représentants du groupe El Planeta, et trois personnes externes (proposées elles-mêmes par la famille Santos au groupe El Planeta qui opère une sélection finale). Ainsi, si le groupe appartient officiellement majoritairement aux Espagnols, il reste sous le contrôle de ses actionnaires traditionnels en termes de ligne éditoriale et de contenus, ce qui lui permet d’assurer sa continuité. Au final, la Casa Editorial El Tiempo est rachetée au double du prix initialement prévu, dans ce qui a été interprété comme un coup de maître de la part de ses propriétaires, et notamment du négociateur de l’affaire, Luis Fernando Santos.

Mais le groupe espagnol Planeta ne compte pas s’arrêter à la presse et cherche à élargir ses propriétés médiatiques en Colombie. En 2009, il est un des principaux intéressés par l’appel d’offres d’une troisième chaîne de télévision privée en Colombie (le pays ne dispose en effet que de deux chaînes nationales privées, Caracol et RCN). Trois groupes sont en lice pour l’appel d’offres au départ : Prisa (Espagne), Cisneros (Venezuela), et Planeta. Mais après moult péripéties et en raison de la lourdeur et de l’opacité des procédures, les deux premiers groupes se retirent de la course. La Commission Nationale de Télévision, censée gérer l’appel d’offres, se retrouve ainsi au cœur de nombreuses polémiques lorsque le nombre de candidats pour la chaîne se retrouve réduit à un seul groupe, dont les liens avec le nouveau président élu en 2010 sont étroits. Le Conseil d’État colombien finit par annuler l’intégralité de la procédure d’attribution d’une troisième chaîne de télévision, en raison de l’absence de concurrents. Le groupe Planeta se retrouve donc freiné dans ses ambitions d’expansion internationale.

Suite à cet échec cuisant (en termes d’investissement et d’ambitions), ainsi qu’aux importantes difficultés financières subies par les groupes médiatiques en Espagne après la crise économique de 2008, le groupe Planeta choisit de revendre ses parts de la Casa Editorial El Tiempo. Le groupe espagnol s’oriente également vers d’autres destinations dans la région : suite à la fusion d’une de ses chaînes (Antena 3) avec la Sexta (espagnole mais dont une partie du capital appartient au groupe mexicain Televisa), le président de Planeta souhaite avoir plus de fonds pour racheter la part de l’entreprise mexicaine.

En mars 2012, c’est l’Organizacion Luis Carlos Sarmiento Angulo (OCSAL), appartenant au plus riche entrepreneur colombien, qui rachète les parts de Planeta (55 %). Si le montant de la transaction n’est pas encore connu, il est estimé à plus de 250 millions de dollars. Comme l’OCSAL disposait déjà d’un certain nombre d’actions rachetées auparavant aux membres de la famille Santos ou à des actionnaires minoritaires (33,37 %), elle devient la principale actionnaire du groupe, avec 88,37 % des actions. Le reste des actions (12 %) est détenu par Juana, Adriana, Rafael et Camilo Santos, et par la famille Abdon Espinosa. El Tiempo redevient ainsi une entreprise essentiellement colombienne, mais avec un changement majeur : ce n’est plus la famille Santos qui est à sa tête.

 Luis Carlos Sarmiento est un entrepreneur majeur en Colombie. Il a investi à travers deux grandes holdings (Aval et Corficolombiana) dans de nombreux secteurs : banque et finances, agro-industrie, énergie, gaz et mines, infrastructures, hôtellerie, industrie et immobilier. El Tiempo représente la première incursion dans le monde des médias d’un homme plutôt connu comme « le banquier », ce qui suscite de nombreuses controverses : quelle sera l’indépendance d’un journal dont le propriétaire possède quelques-unes des principales banques colombiennes et de nombreuses entreprises stratégiques ?

 La plupart des médias importants du pays ont en effet été rachetés par de grands conglomérats économiques : la famille Santo Domingo a acquis Caracol Television et le journal El Espectador, Carlos Ardila Lülle détient les groupes de télévision et de radio RCN et des magazines importants.

El Tiempo est indiscutablement le journal le plus lu du pays, loin devant El Espectador, son plus proche concurrent. Entre 2001 et 2008, suite à une crise financière traversée par El Espectador, qui oblige le journal à réduire sa diffusion à une seule parution hebdomadaire pendant le week-end, El Tiempo n’a ainsi aucun concurrent. En effet, malgré l’existence de journaux régionaux importants (El Colombiano à Antioquia, Vanguardia Liberal à Santander), aucun autre journal ne peut prétendre être diffusé sur l’ensemble du territoire.

Dans le secteur de la télévision, la chaîne locale CityTv est la troisième chaîne la plus regardée à Bogota après les deux chaînes nationales RCN et Caracol.

El Tiempo semble être en train de s’adapter plutôt bien aux défis de la convergence numérique : site multimédia actualisé et dynamique, applications iPad… Une impressionnante base de données recense les archives du journal depuis 1911, et peut être consultée gratuitement en ligne. Depuis une dizaine d’années, avant même l’arrivée de l’actionnaire espagnol, un profond processus de transformation organisationnelle et journalistique aurait été entrepris par le journal, afin, justement, de pouvoir affronter la convergence numérique et la crise de la presse papier. Ce processus de transformation aurait conduit le quotidien à passer » « d’une entreprise familiale avec des liens avec le parti Libéral et la politique, à une entreprise moderne d’entertainment orientée principalement vers les affaires. Ce changement serait par exemple perceptible dans les salles de rédaction, où les articles, une fois écrits et classés par thèmes, sont placés dans des « bourses de contenus » communes, où les « éditeurs de produits » (papier, site Internet, magazine ou télévision) viennent piocher les sujets les plus intéressants en fonction de leur média. Les articles sont écrits en intégrant dès le départ des composantes multimédia. Un même sujet permet ainsi d’alimenter différents médias, ce qui permet de créer des économies d’échelle et d’augmenter la productivité par journaliste.

 D’autres changements ont aussi concerné la maquette et les rubriques de El Tiempo. Réalisés par Mario Garcia, un Cubain qui a aussi travaillé sur d’autres journaux tels que The Wall Street Journal et Die Zeit, l’objectif est de s’adapter aux nouveaux modes de consommation d’information. Les sujets ne sont plus classés prioritairement par thèmes (national, international, politique, économie…), mais selon la priorité du sujet : la rubrique À Savoir (Debes Saber), réunit rapidement les informations clés de la journée, À Lire (Debes Leer) regroupe les informations que l’on peut lire plus tard en profondeur, et À Faire (Debes Hacer) oriente le lecteur vers des informations pratiques et des activités sur la santé, l’éducation, l’entertainment.

 

Chiffres clés :

 

- Création du journal : 1911

- Actionnariat : Organizacion Luis Carlos Sarmiento (88 %), actionnaires minoritaires (12 %)

- Tirage : 220 000 exemplaires / jour en moyenne

- Nombre de lecteurs : 1 137 483 / jour en moyenne

Portrait d'Alfonso Villegas Restrepo

 Une El Tiempo

Extrait de l'arbre généalogique de la famille Santos

Extraits d'articles de la plate-forme Internet du journal El Tiempo

Les photos de notre sortie
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